«Remettre Haïti au centre de l’agenda international est un défi», estime l’ONU à Port-au-Prince

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Une délégation onusienne était en Haïti cette semaine pour faire un état des lieux de la crise humanitaire et sécuritaire. Une mission de plaidoyer aussi, pour tenter de mobiliser la communauté internationale. Entretien avec Ulrika Richardson, représentante spéciale adjointe du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), coordinatrice résidente et humanitaire.

RFI : Un groupe de fonctionnaires des Nations unies vient d’achever une visite de deux jours en Haïti. Le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans une situation sécuritaire et humanitaire dramatique. Le constat est connu de tous, les besoins aussi. Quel est donc l’objectif de cette nouvelle mission ? 

Ulrika Richardson : L’objectif de cette mission était de faire connaître au monde entier l’ampleur de la crise en Haïti, notamment la crise de l’insécurité et les violations des droits de l’Homme. Ce n’est pas seulement une crise humanitaire. Avant, nous venions en aide aux personnes à la suite de catastrophes naturelles, de cyclones ou de tremblements de terre par exemple, qu’Haïti connaît trop bien. Mais aujourd’hui, le pays fait face à une crise multidimensionnelle, provoquée par la présence d’environ 300 gangs armés dans la capitale.

Le niveau de violence est extrêmement frappant. Les gangs utilisent cette violence pour instiguer la peur, la terreur. Les femmes et les filles sont victimes de violences sexuelles. De nombreuses personnes sont déplacées en raison de ces violences. Aujourd’hui, un Haïtien sur deux a besoin d’une assistance alimentaire d’urgence. La faim a augmenté. L’accès à l’eau et aux services de santé, à l’éducation, à la protection sociale, est devenu très compliqué. Il y a aussi une inflation galopante, une dépréciation de la monnaie locale. Tout cela crée une situation très précaire pour la population et surtout pour les plus vulnérables.

Des communes entières de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince sont aux mains des gangs, tout comme des routes nationales qui mènent aux différents départements du pays. Comment faites-vous pour acheminer l’aide ?

Dans la capitale, on réussit à avoir accès à une grande partie des populations vulnérables. On bénéficie d’un important niveau d’information et d’analyse qui nous permet de circuler. Bien sûr, on voudrait faire davantage. En revanche, pour arriver dans le nord et le sud du pays, les routes sont bloquées par les gangs. Il faut utiliser les transports organisés par les Nations unies et aussi parfois le transport maritime pour parvenir à aider les populations.

Cette crise sécuritaire affecte aussi votre personnel. Est-ce que vous parvenez à recruter localement ? 

Notre personnel n’est pas immunisé, il a les mêmes préoccupations que le reste de la population. Certains personnels ont des soucis avec leurs familles. Ils voudraient croire en un futur beaucoup plus prospère pour leur pays. En raison de cette situation très grave, beaucoup d’Haïtiens prennent des risques importants pour quitter Haïti. Je dois dire que ce n’est pas toujours évident de trouver les cadres nationaux pour nos opérations. Mais on les trouve et de toute façon, on ne pourrait rien faire sans eux, ils sont vraiment le pilier le plus important. 

L’épidémie de choléra a fait son retour en Haïti en octobre 2022. Est-elle maîtrisée aujourd’hui ? Est-ce que la réponse apportée et est suffisante ? 

Nous regardons la situation avec un certain positivisme. On n’est pas sorti de l’épidémie, mais on peut dire que la situation est contenue. Cela a été rendu possible grâce à une réponse rapide du gouvernement et surtout des institutions publiques, mais aussi une coopération avec les Nations unies. Cela dit, il ne faut pas baisser la garde parce que le choléra demande un grand travail de suivi.

Cette mission cette semaine est aussi pour vous une mission de communication en direction de la communauté internationale. Est-ce facile de mettre Haïti sur l’agenda de la communauté internationale ?

C’est un défi. Quand on parle par exemple à l’Europe, Haïti est un peu loin… L’Europe est davantage préoccupée par ce qu’il se passe en Ukraine. Il y a aussi la tragédie en Turquie et en Syrie. Cela absorbe beaucoup l’attention. Donc, ce n’est pas évident de replacer Haïti sur la carte. Mais j’espère, et je suis convaincue, qu’Haïti ne sera pas oubliée. De toute façon, ici, sur le terrain, on continue de faire notre travail. Et nous espérons qu’avec une solidarité un peu plus importante de la communauté internationale, on va pouvoir faire plus.

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